Suscitant des réactions de peur et de suspicion, la question dite de la « radicalisation » est aujourd’hui traitée principalement comme un problème politique et sécuritaire. À rebours de cette tendance, les réflexions réunies ici partent du présupposé que cette question est avant tout humaine, et qu’elle nécessite à ce titre une analyse approfondie. Il s’agit d’éviter les dérives identitaires et sécuritaires qui se concentrent quasi exclusivement sur les conséquences des actes terroristes et attisent les inquiétudes, cherchant à identifier des « profils types » d’individus dangereux. Elles délaissent le plus souvent la compréhension des causes, cet entrelacs de facteurs divers qui peuvent amener une personne à faire le choix du passage à l’acte de la violence extrême. Remettre l’humain et ses expériences subjectives au centre des attentions implique alors de prendre en compte ses failles et vulnérabilités.
Ces vidéos nous alertent d’abord sur l’importance fondamentale de mener une réflexion sur les mots employés pour désigner cette réalité sociale complexe. Loin d’être des concepts scientifiques, les termes « radicalisation » et « déradicalisation » sont devenus omniprésents et banalisés depuis quelques années, dans tous les milieux de la vie sociale et dans le débat public. Un effort de déconstruction du terme est mené sur le plan scientifique, signalant la nécessité de dépassionner et de décentrer le débat sur ces questions. Il s’agit par là de déconstruire un certain nombre de présupposés. Le plus prégnant concerne l’association presque automatique entre l’appartenance à une religion en particulier, l’Islam, et la radicalisation. Or cette dernière, loin d’être une expression spécifiquement religieuse, désigne avant tout un passage à l’acte violent. Elle amène à questionner le rapport à la violence extrême. En outre, certaines interventions montrent qu’une mosaïque de situations est concernée par cette « radicalisation », avec des personnes présentant des degrés divers d’adhésion à ces discours et pratiques de violence. Les réflexions rassemblées ici signalent par ailleurs qu’un tel processus n’est pas récent, et qu’il ne se présente pas exclusivement dans le domaine religieux, comme c’est le cas avec les mouvements néo-nazis notamment. Pour autant, il importe de déceler, par l’analyse, les spécificités de ces formes de radicalités contemporaines qui s’appuient sur le religieux et se font présentes dans nos sociétés. Pour comprendre ces phénomènes tout en nous décentrant d’une obsession islamique, il est plus que jamais nécessaire d’apporter une certaine visibilité à la dimension comparative des recherches, aux travaux de terrain rendant compte de la complexité des réalités locales, ainsi qu’aux paroles et aux vécus des acteurs concernés.