Avec ses institutions, ses acteurs, ses normes et ses pratiques, la santé constitue un domaine privilégié de la vie sociale pour observer et penser les mutations du religieux et les pratiques de la laïcité. Les enjeux que les situations de soin et thérapeutiques soulèvent renvoient à des étapes fondamentales de la vie humaine et alimentent des logiques de sens qui ne sont pas toujours dissociées du religieux. Proprement humaines, les expériences de la maladie, de la souffrance, de la naissance et de la mort engagent des conceptions de la vie et du corps reposant sur différentes rationalités selon les appartenances socio-culturelles. À l’heure de la mondialisation, cette pluralité s’exprime au quotidien dans les établissements publics de santé français, et conduit à une affirmation et à une diversification croissantes des expressions religieuses dans ces espaces laïcs, qui interrogent. Que font les soignants de leurs convictions religieuses dans le cadre laïc de leur pratique ? Dans quelle mesure les convictions religieuses des patients nourrissent-elles leur vécu de la maladie et des situations de soin ? Quels sont alors les effets de la laïcité sur le cadre du soin ? Quels en sont les enjeux éthiques ? D’autant que l’hôpital se trouve confronté à des revendications religieuses de soignants et de patients présentées le plus souvent comme incompatibles avec les règles communes de ce service public, concernant les pratiques alimentaires, vestimentaires, la relation soignant/soigné, le rapport à la nudité, etc.
Les vidéos qui suivent présentent à la fois des témoignages de plusieurs professionnels de la santé – infirmières, formateur cadre de santé, médecin psychiatre – et les réflexions de chercheurs interrogeant la complexité des rapports entre religion, laïcité et santé. Certains proposent des pistes de réponses pour résoudre des situations perçues et vécues comme problématiques, parfois très médiatisées, mettant en jeu une tension entre liberté de culte et pratiques de la laïcité. Le rôle de médiation joué par les aumôniers, œuvrant en collaboration avec les professionnels de santé et le corps médical, notamment en psychiatrie, est ainsi mis en évidence. Pour autant, étant tributaires des définitions imposées par l’Etat de ce qui est religion et ce qui ne l’est pas, tous les cultes ne sont pas servis de la même façon dans les établissements de santé. D’autres interventions, comme celles de juristes, se consacrent à renforcer l’importance du cadre juridique et des principaux textes de loi comme ressources pour faire face à ces situations dans le respect des valeurs fondamentales de la société française, avec au premier plan la liberté et le principe de laïcité. Il est rappelé que ce dernier constitue un cadre protégeant la pluralité des points de vue, pierre angulaire du vivre-ensemble dans une démocratie comme la nôtre. Or il importe qu’elle rende aussi possible leur confrontation, non pas le conflit mais par la discussion, « pour préparer la chose publique et non s’y substituer », comme l’avance le philosophe Jean-Philippe Pierron.