Après une première étape préparatoire sous la forme de deux journées d’études en mai dernier, ce colloque international vise à réunir des chercheurs venant de l’anthropologie, de la sociologie, des sciences politique et de l’histoire des religions, dans une dynamique pluridisciplinaire pour l’appréhension du religieux. Nous partirons de l’importance du rôle joué par les Etats dans la définition et l’établissement de ce qui est religion et ce qui ne l’est pas, par leur pouvoir d’autorisation, d’officialisation, de légalisation, mais aussi de régularisation des rapports entre les différentes religions dans la société et dans la sphère publique. À ce titre, la ville et ses espaces publics constituent un théâtre majeur, une scène d’expression et de visibilité de ces processus politiques, mais aussi des conflits, concernant le religieux. Or dans le cadre de la mondialisation, différentes pratiques religieuses et religions ne cessent de se transformer et de se reconfigurer. Aux vues des nouveaux enjeux du pluralisme religieux, il s’agira d’appréhender ce que nous envisageons en tant que « gestion » politique et économique de la diversité religieuse dans la ville, et d’interroger les positionnements des Etats face à ces expressions contemporaines de religiosité, notamment en termes de rapports aux espaces urbains. On privilégiera également des travaux consacrés aux croyants, en tant qu’acteurs sociaux, et les modalités selon lesquelles ils expriment ou revendiquent leur droit à une égalité de traitement en tant que membre d’une communauté religieuse. C’est dans cette perspective qu’il conviendra de réinterroger la performativité de la laïcité, rapportée aux « nouvelles religions » et aux « communautés religieuses » qui se créent ou se renouvellent, et revendiquent la liberté religieuse.
Pour ce colloque international, nos réflexions sur les rapports entre religion et Etat se déploieront autour de trois axes privilégiés : les mots et les normes en jeu ; espaces, mobilités et territoires ; pluralisme religieux, relations interconfessionnelles.
Beaucoup aimeraient assigner à la religion un espace soigneusement délimité, de préférence celui du privé, voire de la vie domestique. Mais l’homme est un être social et le fait de croire ou de ne pas croire ne peut être isolé de la vie sociale. De cette vérité première, l’hôpital dont il est question dans le dossier est une remarquable illustration. Lieu de soins, il est aussi lieu de vie sociale. La neutralité commandée par la laïcité s’impose dans l’hôpital à ceux qui soignent dès lors qu’il s’agit d’un établissement public. Les personnels sont alors tenus de respecter l’obligation de neutralité liée à leur statut et rappelée à plusieurs reprises ces dernières années. Mais les patients qui viennent se faire soigner arrivent avec leurs croyances et ne peuvent être restreints dans leur liberté en matière religieuse dès lors qu’elle n’entrave pas la bonne marche des services et la qualité des soins.
Le dossier propose d’appréhender à travers la pratique des professionnels de la santé et l’observation des patients les situations qui naissent de ce vivre ensemble imposé et consenti, en matière de laïcité et de croyances religieuses. Il montre comment, en France comme au Québec, l’attention aux réalités, sans préjugés, permet de prendre en compte les aspirations des soignés et les exigences du soignant, à décrypter les demandes religieuses et à proposer des réponses ouvertes.
La question climatique dans un monde globalisé est devenue une question centrale. Le dossier est issu d’un colloque consacré aux acteurs religieux, en l’occurrence chrétiens, face aux changements climatiques. Pour le christianisme, la question du climat n’est pas une nouveauté mais la manière de l’aborder ne cesse pas de se transformer.
Comme dans toutes les religions abrahamiques, dès la Création, le climat est étroitement lié au plan divin. Entre nostalgie du Paradis, moment d’équilibre et d’harmonie interrompu par la faute originelle, et crainte du Déluge, expression de la colère divine, le croyant a cherché à se tracer une voie qui le protège et à donner un sens aux dérèglements de la nature.
Mais au fil des mutations socio-culturelles, la référence au religieux évolue et le discours s’adapte comme en témoigne l’encyclique Laudato si’ du pape François (2015). L’explication par une sanction divine fait place à la volonté de cerner scientifiquement les causes et de contribuer à une éthique universelle dans une perspective écologique. Et la religion trouve dans cet engagement de nouvelles énergies.
Publication : PIERRE GISEL Qu'est-ce qu'une tradition ?
Ce dont elle répond, son usage, sa pertinence
éd. Hermann ( site), coll. Le Bel Aujourd'hui, janvier 2017
Les sociétés contemporaines sont marquées par l’avènement de l’individualisme. Elles neconnaissent que les réalités individuelles et se révèlent oublieuses de toute tradition, religieuse ou culturelle. S’appuyant sur la reconnaissance de la pluralité des voies de l’humain, cet ouvrage préconise la mise en place de nouvelles conditions de confrontation : sans verser dans le communautarisme, il importe de reconnaître l’hétérogénéité des traditions et la fécondité des différends. C’est peut-être même la meilleure voie pour renouveler nos sociétés aujourd’hui. Mais quelmodederationalitépubliquefaut-ilmettreenplacepourparveniràdépasser le heurt des logiques diverses, voire divergentes ? Par-delà, comment repenser nos identités, nos rapports au passé et nos imaginations d’avenir ?
Pierre Gisel est professeur honoraire de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’université de Lausanne. Il travaille au croisement des sciences des religions, de la tradition théologique et des comparaisons interreligieuses.