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    Bibliographies, notes de lectures & exercices dédiés aux étudiants.

Claude Faltrauer, Philippe Martin, Lionel Obadia (dir.)
Patrimoine religieux : désacralisation, requalification, réappropriation : Le patrimoine chrétien

Paris, Riveneuve éditions, 2013
Isbn 978-2-36013-134-1

Claude Faltrauer, chargé du patrimoine au Service d’Art sacré du diocèse de Saint-Dié, Philippe Martin professeur d’histoire à l’Université Lyon Lionel Obadia professeur d’anthropologie à l’Université Lyon 2 ont rassemblé dans ce recueil les actes du colloque organisé par l’iserl en mars 2012. face à la baisse de fréquentation des lieux de culte, l’Église catholique est confrontée depuis quelques années à une question cruciale : que faire d’un patrimoine foncier immense au moment où les pratiquants sont de moins en moins nombreux ? L’ouvrage propose une réflexion en quatre temps :

  • une plongée dans le temps pour étudier l’ancienneté du phénomène et montrer comment les édifices ont été requalifiés ;
  • une analyse des contraintes légales et religieuses qui soumettent le patrimoine à des règles fixées par l’État (Code du patrimoine) et par le Saint-Siège en matière de patrimoine liturgique et culturel de l’Église (Commissions diocésaines d’Art sacré) ;
  • une étude de la diversité des patrimoines et donc des requalifications possibles : bâtiments, mobilier, collections missionnaires, patrimoine écrit, objets... ;
  • la présentation de cas concrets de mise en valeur : touristique (cas des « chemins du Baroque de Savoie »), muséale, par transformation de la fonction d’églises en établissement d’enseignement catholique à Lyon.

Il ressort de l’examen une grande diversité des réponses dans le temps et dans l’espace avec deux constantes. Les choix opérés à propos du patrimoine religieux sont inséparables de dynamiques sociales et d’enjeux politiques. Autant que les discours, ces attitudes expriment des messages et reflètent d’une manière oblique, les arrangements entre la religion et la société ». En outre la sécularisation ne signifie pas mécaniquement la disqualification de ce patrimoine, voire sa désacralisation, car elle laisse la place à des stratégies d’adaptation où les groupes confessionnels doivent repenser leur rapport à la société globale.

Par Claude Prudhomme

Alexandre Chen Tsung-Ming (éd.),
Le christianisme en Chine aux xixe – xxe siècles.
Évangélisation et conflits

Ferdinand Verbiest Institute, Leuven, 2013
Isbn 978-908-1436595

L’Institut Verbiest de l’Université de Leuven a pris l’initiative d’élargir ses colloques, jusque là en anglais ou en chinois, au français afin de faciliter la participation des experts du monde francophone. À l’heure où l’anglais s’impose comme langue de communication scientifique, cette ouverture vient rappeler que l’histoire du catholicisme contemporain est largement associé à l’action de congrégations missionnaires d’origine française (lazaristes, Missions Étrangères de Paris) ou belge (Scheutistes, ou de missionnaires français agrégés à d’autres instituts (jésuites). Il en résulte que la majeure partie des sources catholiques missionnaires, de la réouverture de la Chine à la deuxième guerre mondiale, est en français.

Le présent volume a pour idée directrice la mise en contact conflictuelle entre deux univers socio-culturels à partir de l’expérience missionnaire ou des sources diplomatiques et institutionnelles. Sous le titre « Jésuites entre imaginaire et réalité : la première génération de la Nouvelle Compagnie en Chine » Bernadette Truchet montre l’impact de la nouvelle donne dans l’Europe post-révolutionnaire sur les jésuites de la première génération de la Nouvelle Compagnie. Elle s’intéresse l’attitude qu’ils adoptent, après une longue absence, partagés entre un imaginaire mythique et une réalité plus prosaïque.

Jean-Paul Wiest, dans la même veine, exploite la correspondance des missionnaires jésuites pour mettre en évidence leur vision du pays et du peuple « à travers le Kaléidoscope des “revenants” de Changhai ».
Se plaçant ensuite du côté des autorités religieuses, deux contributions analysent les stratégies catholiques. Claude Prudhomme rappelle comment l’échec des missions en Chine reste à l’époque contemporaine du point de vue romain le grand échec missionnaire et l’expérience d’une impuissance persistante malgré les diagnostics réalistes et des efforts indéniables pour émanciper les missions de la tutelle française ou accélérer la sinisation du clergé. De son côté, Olivier Sibre décrit les différentes tentatives d’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine, à partir de Léon XIII jusqu’à 1951 (« Étapes, conditions et obstacles à l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine, depuis la fin du xix e siècle jusqu’à l’expulsion de Mgr Riberi (1951) »).

Il revient ensuite à Alexandre Chen Tsung-ming d’examiner ce dossier du point de vue des autorités chinoises, leur difficulté à comprendre et combattre les prétentions françaises au nom d’un protectorat religieux sur les missions catholiques décrét en deloirs du Saint-Siège et objet de nombreux malentendus.

La dernière contribution due à François de Sesmaisons , « Présence catholique à la fin des Qing et sous la République: en compagnie de Mgr Jean de Guébriant » s’arrête sur la figure d’un évêque missionnaire en Chine dont le rôle à la tête des Missions Étrangères de Paris et dans les relations entre le Saint-Siège et la Chine fut essentiel.

Cet ouvrage illustre le renouvellement en voie de s’opérer en même temps qu’il laisse entrevoir l’ampleur des sources qui restent à explorer à Paris (Mép) ou à Rome. C’est aussi l’occasion de signaler que l’approche des religions par les sciences humaines et sociales n’est plus le domaine réservé d’une poignée de spécialistes occidentaux mais constitue un champ reconnu et débattu en Chine même. On en trouvera la confirmation en consultant le site de l’Institut Ricci (http://www.institutricci.org/) à Paris qui propose dans la rubrique documents des articles chinois traduits en français.

Par Paul Dabadie

Jean-François Klein, Pierre Singaravélou, Marie-Albane de Suremain. Cartographie : Fabrice Le Goff,
Atlas des empires coloniaux, XIXe– XXe siècles.

Paris, Éditions Autrement, 2012

L’absence d’atlas historiques consacré aux empires coloniaux dans le monde francophone contraste avec le renouvellement accompli depuis une décennie dans le monde anglophone (par exemple : The Penguin, Historical of the British Empire, 2006). Cet atlas dans un petit format (25x18) comparable à celui de son prédécesseur britannique, associe dans une présentation très claire cartes et textes. Et contrairement à beaucoup d’autres atlas, il consacre aux religions deux double pages sous le titre « missions et colonisation » et « religions dans les colonies ». À défaut de combler toutes les lacunes, il constitue un premier pas dans la réalisation de cartes permettant d’avoir une vue d’ensemble des principales religions et de leur évolution au sein des mondes coloniaux.

Gamâl Al-Banna
L’Islam, la liberté, la laïcité et Le crime de la tribu des « Il nous a été rapporté ».

Paris, L’Harmattan, 2013
Isbn 978-2-343-00673-4

Dominique Avon, professeur d’histoire contemporaine à l’Université du Maine et Amin Elias, sur le point de soutenir une thèse dédiée à l’histoire du Cénacle libanais (un lieu de rencontre qui permit de 1946 à 1974 aux Libanais de se rencontrer et de débattre) ont pris l’initiative de cet ouvrage. Il réunit deux textes traduits à partir de l’arabe pour les rendre accessibles au public francophone. L’actualité égyptienne, la personnalité de leur auteur, frère d’Hassan al-Banna, fondateur de la la confrérie des Frères Musulmans, et l’originalité de sa démarche sont soulignées dans la présentation que les deux éditeurs des textes ont rédigée. Nous la reproduisons avec leur accord.

La pensée musulmane contemporaine n’est pas homogène. À rebours des présupposés culturalistes fondés sur la conception d’identités figées atemporelles, Gamâl-Al-Banna (1920-2013) a fait montre d’une liberté d’esprit et de ton qui l’ont marginalisé dans les milieux religieux et politiques institués, tout en suscitant un engouement dans la jeune génération égyptienne des années 2000.Pour la première fois, en France, deux de ses ouvrages ont été sélectionnés et ttraduits avec son autorisation. Le premier vise à défendre le principe de liberté de pensée, y compris pour les non croyants, dans un contexte de violences perpétrées contre ceux qui sont qualifiés d’ « apostats ». Le second déconstruit de l’intérieur le corpus de textes des « faits et dits » attribués au prophète de l’islam et chemin faisant, dénonce la doctrine pluriséculaire de l’ »abrogation » fondée iur l’affirmation selon laquelle Dieu a pu se contredire en fonction des circonstances. Gageons que ces deux problématiques, comme d’autres représentations concernant les religions non musulmanes, le communisme ou le clivage bipolaire de l’humanité, ne manqueront pas de susciter des débats, notamment en France où celui-ci est trop souvent compassé.

Par Dominique Avon et Amin Elias

Edmond Pezet
Un prêtre parmi les moines bouddhistes en Thaïlande.
Lettres et articles recueillis et présentés par H. Huysegoms et P. Liesse

SAM, Louvain-la Neuve, 2013
Isbn 978-2-9601236-0-9

Il serait regrettable que cet ouvrage passe inaperçu au-delà du cercle des amis d’Edmond Pezet sous prétexte qu’il échappe aux classifications habituelles. Ni biographie scientifique, ni simple publication de lettres et articles comme le laisse entendre le sous-titre, il offre aux historiens, aux anthropologues, aux spécialistes des religions un exemple rare d’itinéraire individuel dans lequel se croisent de manière concrète, vécue, restituée sans artifice les questions très actuelles de la mise en connexion de deux traditions religieuses, en l’occurrence le bouddhisme et le christianisme. Né en 1923 dans une famille paysanne du Lot, E. Pezet est brutalement plongé dans la guerre d’Indochine par son incorporation au corps expéditionnaire en 1946. Il sort profondément transformé de cette expérience et décidé à réparer le mal causé au peuple vietnamien. Mais l’engagement dans la mission ne constitue qu’une première étape dans un cheminement effectué au sein de la Sam, Société des Auxiliaires des Missions, société atypique inspirée par le père Lebbe pour mettre des missionnaires au service du clergé local en renversant le rapport traditionnel. Immergé dans le nord-est de la Thaïlande pendant une douzaine d’années, le jeune missionnaire partage les conditions d’existence des villageois et découvre à leur contact leur mode de vie et leurs coutumes. Il prend peu à peu ses distances avec ses confrères qui veulent diriger leurs paroissiens sur la voie du progrès et du salut selon les modèles qu’on leur a enseignés, au prix de l’inculcation d’observances et d’enseignements qui mettent les chrétiens thaï en rupture avec leur culture. La prise de conscience de ce grand écart le convainc de la nécessité d’étudier le bouddhisme thaïlandais en se mettant à l’école des bouddhistes. Il apprend le sanskrit et étudie la doctrine à l’Université, puis s’installe dans le wat (monastère) d’un moine citadin. Dans les années 1975-1976 il fait l’expérience de la vie contemplative au milieu des « moines de la forêt », en quête d’une pratique la plus proche possible de la tradition. Il met en pratique ce qu’il vient d’apprendre en décidant de vivre en ermite dans la forêt de la fin 1976 à 1979 et s’en remet aux villageois pour sa subsistance. Sans rompre avec l’Église, ni renoncer à certaines fonctions traditionnelles de la mission (il assure un service de soins au sein d’un camp de réfugiés cambodgiens), il voit monter contre lui les critiques de l’Église catholique et fait l’expérience d’un fossé qui se creuse avec le reste du clergé. Fossé certes dans la conception de l’action pastorale, mais, plus fondamentalement, désaccord sur la manière de concevoir le rapport du christianisme au bouddhisme. Il déplore le concordisme « qui conduit à des aberrations » et l’ignorance qui empêche d’entrer au cœur d’une autre tradition religieuse. Il se montre sceptique devant une approche catholique du bouddhisme qui reste superficielle malgré les déclarations d’intention et les appels au dialogue interreligieux et à l’inculturation. Âgé, affaibli, il rentre en France pour terminer sa vie comme curé de campagne, puis séjourne dans une maison de repos et s’éteint en 2008. Il faudrait citer bien des remarques tirées de sa correspondance et qui touchent sous une forme apparemment prosaïque des questions essentielles. Autant, voire plus encore que les articles réunis dans la seconde partie du volume, les citations extraites de ses lettres font souhaiter une publication plus systématique de sa correspondance.

Par Claude Prudhomme